Panorama de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de rupture conventionnelle (2013-2014).
Créée par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle connait aujourd’hui un succès important. Même si son régime juridique a été précisé par le législateur (aux articles L.1237-11 et suivants du code du travail), les praticiens devaient toutefois faire face à un certain nombre d’incertitudes. Notamment, une rupture conventionnelle peut-elle être conclue dans un contexte de difficultés économiques ? Dans un contexte conflictuel ? Quelles sont les conséquences attachées à des erreurs commises dans la convention de rupture ? Ou encore, quelle est la portée d’une transaction signée après l’homologation d’une rupture conventionnelle … ?
Si de nombreuses juridictions du fond ont été amenées à se prononcer rapidement sur ces problématiques, il a fallu attendre plusieurs années pour voir émerger la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation en la matière.
1/ Décisions portant sur le contexte dans lequel est signée la convention de rupture conventionnelle :
A titre liminaire, il est important de rappeler que le Ministère du travail a précisé qu’une rupture conventionnelle peut intervenir alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques, sous réserve qu’elle ne soit pas utilisée comme moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif (question écrite n°106030 de Monsieur Christian Eckert, réponse du ministre du Travail publiée le 31 mai 2011 ; question écrite n° 29982 de Monsieur Thierry Braillard, réponse du ministre du Travail publiée le 3 septembre 2013).
Est valable la signature d’une rupture conventionnelle conclue par un salarié dont le contrat de travail est suspendu en conséquence d’une maladie (Cass. Soc, 30 septembre 2013, 12-19.711).
L’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture.
En l’espèce, a été jugée valable la rupture conventionnelle conclue alors que deux avertissements avaient été notifiés au salarié pour la mauvaise qualité de son travail, 6 mois et 3 mois avant la signature de la convention de rupture et que l’employeur avait formulé de nouveaux reproches à l’encontre du salarié (Cass. Soc., 15 janvier 2014, 12-23.942 ; même solution : 30 septembre 2013, 12-19.711).
Toutefois, la rupture conventionnelle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- Lorsqu’elle est conclue avec une salariée se trouvant dans une situation de violence morale du fait d’un harcèlement moral (Cass. Soc., 30 janvier 2013, 11-22.332).
- Lorsqu’elle est imposée par l’une ou l’autre des parties.
- Tel est le cas lorsqu’il est établi que l’employeur a incité une salariée à choisir la voie de la rupture conventionnelle par l’exercice de pressions. En l’espèce, l’employeur avait, semble-t-il, menacé la salariée de ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements qu’il lui reprochait et justifiant selon lui un licenciement (Cass. Soc., 23 mai 2013, 12-13.865).
- Tel est également le cas lorsque l’employeur avait engagé une procédure de licenciement quelques semaines avant la signature de la convention de rupture, qu’il avait ensuite infligé à la salariée une sanction disciplinaire injustifiée et l’avait convoquée à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture du contrat de travail qui n’avait duré qu’un quart d’heure et au cours duquel les parties n’avaient pas eu d’échange (Cass. Soc., 12 février 2014, 12-29.208).
Exception faite de la fraude de l’employeur ou d’un vice du consentement du salarié, est également valable la rupture conventionnelle conclue avec un salarié déclaré apte avec réserves par le médecin du travail après un arrêt de travail prescrit à la suite d’un accident du travail (Cass. Soc., 28 mai 2014, 12-28.082).
2/ Décisions portant sur les règles formelles entourant la rupture conventionnelle :
La convention de rupture est atteinte de nullité dès lors que le salarié ne s’est pas vu remettre un exemplaire de la convention (Cass. Soc., 6 février 2013, 11-27.000).
Le code du travail n’instaure pas de délai entre l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et la signature de la convention de rupture. Est donc valable une rupture conventionnelle signée au cours du seul et unique entretien entre le salarié et l’employeur (Cass. Soc., 3 juillet 2013, 12-19.268).
Une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de rétractation de quinze jours ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation (Cass. Soc., 29 janvier 2014, 12-24.539).
Le défaut d’information du salarié d’une entreprise ne disposant pas d’institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative n’a pas pour effet d’entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun (Cass. Soc., 29 janvier 2014, 12-27.594).
L’absence d’information du salarié sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l’emploi en vue d’envisager la suite de son parcours professionnel n’entraîne pas la nullité de la convention de rupture dès lors qu’elle n’avait pas affecté la liberté de son consentement (Cass. Soc., 29 janvier 2014, 12-25.951).
- 3/ Décisions portant sur la question de la limitation par les parties de la possibilité de contester ultérieurement la rupture conventionnelle :
Une clause de renonciation à tout recours contenue dans une convention de rupture conventionnelle doit être réputée non écrite, sans que soit affectée la validité de la convention elle-même (Cass. Soc., 26 juin 2013, 12-15.208).
Une transaction n’est valable que si celle-ci intervient postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle et qu’elle a pour objet de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail concernant des éléments non compris dans la convention de rupture. La transaction ayant pour objet de régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail est nulle (Cass. Soc., 26 mars 2014, 12-21.136).
L’ensemble de ces décisions permet de définir de façon plus précise les règles de forme et de fond applicables à ce mode de rupture du contrat de travail et contribue ainsi à offrir davantage de sécurité juridique aux acteurs susceptibles de signer des conventions de rupture conventionnelle